Il fait bon parfois remonter le temps, sans toutefois célébrer le « c’était mieux avant » mais simplement pour remémorer les vaillantes épopées de nos ancêtres les radicaux, avec bien sûr un brin de nostalgie.

« De mémoire d’homme, les libéraux avaient la majorité dans l’administration communale », ainsi s’exprimait Le Nouvelliste dans son édition du 11 décembre 1920. En effet, dès le milieu du XIXe siècle et jusque dans les années 1920, ce sont les libéraux-radicaux qui sont aux commandes des affaires de Collombey-Muraz, bourgade chablaisienne d’un millier d’habitants où il fait bon vivre.

Petite introspection dans cette chronologie électorale. Après les élections communales du 13 décembre 1868, Le Confédéré, organe des libéraux valaisans, annonce crânement dans ses colonnes : « succès complet de la liste libérale à Collombey ». Cet état des choses va se poursuivre au cours des ans. Ainsi, durant les deux législatures – 1869 à 1876 – deux libéraux sont élus à la présidence et vice-présidence : Emmanuel Turin de Muraz et Pierre-Marie de Lavallaz de Collombey[i].

Puis, de janvier 1877 à fin décembre 1894, Pierre-Marie de Lavallaz assume la présidence. Au cours de cette même période, trois vice-présidents se sont succédé : Cyprien Parvex (1877-1880), Ulrich Parvex (1881-1884) et Adolphe Turin (1885-1888 et 1889-1892).

À la charnière des XIXe et XXe siècle advient la présidence d’un autre Collombeyroud, Stanislas Vuilloud qui va remplir son mandat de janvier 1895 à décembre 1904 ; la vice-présidence incombe successivement à deux citoyens de Muraz : Adolphe Turin (1893-1896) puis un autre Turin, Alexis (1897-1904).

Aux élections du 11 décembre 1904, présidence et vice-présidence sont en mains de deux Collombeyrouds : Eugène de Lavallaz[ii], fils de l’ancien président Pierre-Marie et Hubert Burdevet. Le 9 décembre 1906 – le conseil était élu pour quatre ans en revanche ses président et vice-président étaient soumis à réélection après deux législatures – renouvellement bisannuel des présidents et vice-présidents – Hubert Burdevet accède à la présidence, Alexis Turin est réélu à la vice-présidence.

Lors de l’élection du 5 décembre 1908, au scrutin majoritaire, les 234 votants plébiscitent la liste libérale ; Hubert Burdevet est réélu à la présidence et Joseph Caillet-Bois[iii] de Muraz assure la vice-présidence. Le Confédéré fait savoir à ses lecteurs qu’il est « heureux d’enregistrer le résultat électoral de cette commune ».

Les conservateurs, exaspérés par la suprématie exercée depuis des lustres par les libéraux, vont voir leurs ambitions se concrétiser en obtenant quatre sièges lors de l’élection du 1er décembre 1912. Avec cinq conseillers, les libéraux conservent néanmoins la majorité. Hubert Burdevet est réélu à la présidence contre son concurrent, le conservateur Albert de Lavallaz, qui échoue pour une voix. Une déception pour le parti conservateur qui escomptait prendre le pouvoir avec une majorité d’une dizaine de voix ; mais il fut maintenu en minorité pour quatre voix « par un Conseil d’État conservateur » qui acceptait la radiation par l’administration radicale de quelques-uns de leurs votants.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, radicaux et conservateurs estiment que l’intérêt de la communauté est au-dessus des coteries politiciennes et présentent une liste commune à leurs électeurs. C’est dans ces circonstances que le 3 décembre 1916 les 178 votants élisent cinq radicaux : Hubert Riondet de Collombey[iv] président, Hermann Cardis, Alexis Meyer, Jean-Didier Parvex[v], François Chervaz et quatre conservateurs : Jules Borgeaud, Etienne Borgeaud vice-président, Urbain Turin, Émile Wuilloud.

Et voilà qu’advient ce 5 décembre 1920, un dimanche noir pour les radicaux. Pour paraphraser La Rochefoucauld ce jour-là marque « une date où bifurque la destinée » avec le renversement du régime radical par les conservateurs avec cinq élus : Maurice Parvex président, Othmar Magnin vice-président, Jules Borgeaud, Norbert Parvex[vi], Casimir Parvex. Les libéraux-radicaux avec quatre élus : Hubert Riondet, François Chervaz, Sévère Turin[vii] et Oscar Borgeaud.

Cette nouvelle répartition politique explique la satisfaction du Nouvelliste, citée en préambule de ces quelques lignes, philosophant sur la longévité du régime radical. Le parti libéral-radical subodorant quelques vilenies de la part de leur adversaire politique va recourir auprès du Conseil d’État ; et ça c’est une rocambolesque histoire que je vous conterai un jour prochain.

[i] Il sera député au Grand Conseil de 1877 à 1897.

[ii] Député au Grand Conseil (1897- 1913 et 1917-1919) et conseiller national (1908-1919).

[iii] Instituteur et officier d’état-civil.

[iv] Ancien brigadier de gendarmerie à Genève.

[v] Tenancier du Café des Amis à Illarsaz ; député au Grand Conseil 1933-37.

[vi] Propriétaire et tenancier du Café du Soleil à Muraz ; il avait siégé au Conseil communal de 1904 à 1908.

[vii] Père de Roland futur conseiller communal et grand-père d’Albert futur député-suppléant.