Notoirement connu pour son engagement au cours de la régénération politique du Valais au XIXe siècle, distingué par ses exploits à la tête des troupes de la Jeune Suisse, trahi à la bataille du Trient puis proscrit par le gouvernement réactionnaire, l’âme des journées post-Sonderbund de décembre 1847 ; c’est Alexis Joris qui, sous la plume du rédacteur du Confédéré, Jean-Baptiste Calpini[1], « est une noble et sympathique figure, véritable type de loyauté, de droiture militaire et d’humeur aventureuse ». Que savons-nous de la jeunesse de ce valeureux patriote issu de la bourgeoisie du début du XIXe siècle, l’aîné d’une fratrie de six enfants qui envisageait de consacrer sa vie aux principes d’Esculape pour finalement choisir de s’engager au service de la Garde royale.
Alexis est né à Monthey le 8 septembre 1800. Son père François-Emmanuel (1761-1814) exerce différentes fonctions au sein des institutions qui se succèdent à la charnière des XVIIIe et XIXe siècles. Il est juge cantonal suppléant puis sous-préfet du dizain d’Entremont sous la République helvétique ; pendant le régime de la République indépendante, il préside le dizain d’Entremont et siège à la Diète cantonale ; au temps du Département du Simplon, il est suppléant du juge de paix du canton d’Entremont. Avocat-notaire établi à Orsières, ses affaires l’amènent à effectuer de fréquents séjours notamment à Monthey, Fully ou Saint-Maurice où sa famille possède des propriétés. À l’automne 1799, il épouse Patience du Fay (1773-1850), fille de l’ancien châtelain montheysan, Pierre-Louis du Fay (1736-1788), et de Thérèse Burgener (1745-1820) fille de François-Joseph Burgener (ancien grand bailli du Valais et gouverneur de Monthey). Dans le courant de 1811, il s’installe à Sion.
Par son mariage avec Patience du Fay, François-Emmanuel intègre une coterie de personnalités exerçant des mandats politiques aux divers échelons de la République (Diète fédérale, conseil d’État, conseil national, etc.) et qui par le sort des alliances matrimoniales deviennent beaux-frères voire cousins, … des esprits mal intentionnés parlerait d’oligarchie.
Revenons à Alexis ; après sa formation au collège de Sion, il poursuit ses études au collège de Saint-Maurice. Au printemps 1822, grâce à l’entremise de son oncle Charles-Emmanuel de Rivaz (futur conseiller d’État et époux de sa sœur Louise), Alexis s’en va servir comme officier à la Garde royale suisse de Charles X. Après la révolution de Juillet 1830, les régiments suisses sont licenciés. Alexis rentre en Suisse et acquiert un domaine agricole à Illarsaz sur la commune de Collombey.
Dès lors, il se lance à corps perdu dans la politique, acteur de la « Jeune Suisse » ; député à la Constituante de 1839, il participe activement à l’élaboration de la Constitution du 30 janvier et du 3 août 1839, puis siège au Grand Conseil. En avril 1840, au côté des Barman, Dufour, et consorts, il prend les armes pour défendre le gouvernement libéral menacé par les troupes haut-valaisannes. Le 21 mai 1844, des revanchards de la Vieille Suisse lui tendent un tragique guet-apens au pont sur le Trient à Vernayaz. Proscrit par le gouvernement réactionnaire, Alexis quitte le Valais et s’en va à La Baume-d’Hostun dans la Drôme.
Durant ces évènements, le 15 février 1843 il associe son destin à celui de Clarisse Grasset, fille de Jacques, directeur des forges d’Ardon et fonderont une famille nombreuse.
En novembre 1847, lorsque le Valais sonderbundien capitule, Alexis Joris rejoint le « comité patriotique valaisan » à Aigle ; et là, dans une marche triomphale, précédant les troupes fédérales, il conduit le corps des réfugiés valaisans à Sion afin de participer à l’assemblée populaire qui décidera de l’avenir du Valais. À l’avènement du gouvernement libéral, nommé chef de l’état-major cantonal avec le grade de lieutenant-colonel, probablement déçu, Alexis Joris s’en retourne à La Baume-d’Hostun avant de s’installer, quelques lustres plus tard, à La Marque, près de Vendeuvre-sur-Barse dans le département de l’Aube. Le 22 août 1867, le commandant Joris quitte ce monde ; il n’a point trouvé un tombeau sur le sol de son Valais natal et repose dans un petit angle du cimetière de Vandeuvre.
[1] « Le Commandant Joris », Le Confédéré des 24 et 27 octobre 1867.
[i] Le 26 juillet 1835 à Villeneuve, à l’auberge de la Croix-Blanche.
Pour en savoir plus
André DONNET, Sur la jeunesse d’Alexis Joris chef militaire de la Jeune Suisse, Sion, 1970
Robert Giroud, La Jeune Suisse, éditions Faim de Siècle, 2017.
Le Confédéré des 24 et 27 octobre 1867, Jean-Baptiste Calpini, Le commandant Alexis Joris ; du 14 août 1952, Charles Boissard, Figures de proue du radicalisme valaisan : Alexis Joris ; du 5 octobre 2012, Robert Giroud, Alexis Joris.