Mercredi 16 février 2022 – Article dans le Nouvelliste

Elle sera l’une des votations communales chablaisiennes les plus attendues en 2022. Le projet de fusion entre Monthey et Collombey-Muraz se jouera dans les urnes le 15 mai. En cas de oui, la future commune fusionnée deviendra la 2e plus grande ville du canton avec près de 28 0000 habitants.

Lancée en mai 2017, l’idée d’un rapprochement entre le chef-lieu du district et la commune aux cinq villages a franchi plusieurs étapes. Sondages, ateliers, rapport de fusion: le processus a été également soumis aux deux conseils communaux en décembre dernier. Alors que Monthey a largement soutenu le projet (8 contre 1), Collombey-Muraz, de son côté, lâchait un petit oui (4 contre 3).

Avant la prise de position des deux Conseils généraux attendus le 14 mars, «Le Nouvelliste» a souhaité donner la parole à deux présidents de parti de Collombey-Muraz. Guillaume Vanay de l’UDC et Thomas Birbaum du PLR présentent des arguments pour le moins divisés. Débat.

Collombey-Muraz est une commune qui va bien. Finances saines, projets en route, population grandissante. Pourquoi changer finalement, Thomas Birbaum?

Thomas Birbaum (TB): Pour la qualité des services que l’on pourra offrir à la population. Nous avons de belles collaborations avec Monthey, c’est vrai, mais celles-ci arrivent à bout de souffle. Notre commune paie pour la police ainsi que pour les délégués à l’énergie, à la mobilité ou à l’intégration., mais il n’y a pas de pouvoir de décision. En fusionnant, on travaillerait véritablement ensemble. D’égal à égal.

Guillaume Vanay, c’est vrai que les collaborations intercommunales avec Monthey sont nombreuses. On en compte plus de 15, d’ailleurs. On fait un pas de plus?

Guillaume Vanay (GV): Non, surtout pas. Aujourd’hui nous avons encore notre mot à dire. Exemple avec la police: le municipal participe deux fois par mois à des séances où il analyse les besoins et la situation. Il peut négocier. En cas de fusion, nous serons muselés.

Muselés? Les élus de la future commune ne sauront-ils pas défendre l’ensemble du territoire?

GV: Nous ne savons pas quelle sera la future répartition politique. Monthey représentera les 2/3 de l’électorat de la nouvelle commune. Avec un taux de participation similaire, nous pouvons alors craindre de ne plus être représentés du tout.

TB: Cet argument ne tient pas la route! Dans les historiques de fusions, nous constatons toujours une surreprésentation du «petit» face au «grand». Exemples au Val de Bagnes avec Vollèges ou à Martigny avec Charrat. Monthey compte aussi de petits villages, tels que Choëx ou Les Giettes et ils sont toujours représentés.

Mais le nom de la future commune sera Monthey. Cela peut déplaire aux habitants de Collombey-Muraz…

TB: Pas à moi. Nous disons: «Je viens de Muraz ou d’Illarsaz». Personne, ou presque, ne mentionne Collombey-Muraz. Les gens resteront les mêmes et habiteront dans les mêmes villages. Ce n’est qu’un nom administratif.

GV: Cela me pose un problème, au contraire. Je ne suis pas Montheysan et ne veux pas l’être. Je comprends la raison du choix de ce nom car il s’agit du chef-lieu du district. Mais il s’agirait clairement d’une absorption de Collombey-Muraz et beaucoup ne sont pas prêts à accepter cela.

Ils seraient cependant satisfaits de voir baisser leurs impôts comme il a été dit dans le rapport de fusion?

GV: C’est de l’hameçonnage! Comment maintenir l’entier des postes, harmoniser les salaires par le haut, réaliser des investissements, tout en baissant les impôts? C’est illusoire. Dans le rapport de fusion, la marge d’autofinancement est jugée insuffisante de la part du canton. Après avoir introduit une baisse d’impôts le 1er janvier 2025, le Conseil général aura la lourde tâche d’annoncer une hausse, quelques mois plus tard. Nous ne voulons pas payer les investissements de Monthey.

TB: Mais ils seront aussi les nôtres. Si nous récupérons les dettes, nous récupérons aussi la fortune, les terrains, les immeubles, le patrimoine. Monthey a une puissance financière importante, un site chimique de 3000 emplois, des recettes fiscales élevées. S’associer à cette solidité financière est une garantie pour l’avenir.

Plus solide et plus fort en devenant aussi la 2e ville du canton?

TB: C’est essentiel. Nous aurons un poids politique plus important avec 28 000 habitants. Une administration plus efficace avec des spécialistes internes. Nous éviterons les sous-traitances à répétition.

GV: Cet argument ne me fait pas rêver. Deux personnes qui vont négocier face au canton auront plus de poids qu’une seule. L’union fait la force. Pas la fusion. Nous parlons de deux communes de grande importance. Nous pouvons continuer à vivre avec des collaborations.

Mais jusqu’à quand? L’entente entre les deux Conseils est bonne, certes. Mais cela n’a pas toujours été le cas…

GV: En cas de mésentente, nous aurions beaucoup à perdre, c’est vrai. Mais avant un mariage, il faut des fiançailles abouties. Et ce n’est pas le cas. D’ailleurs, nous pouvons le constater à la municipalité: avec un vote à 4 contre 3 (ndlr: en décembre dernier), l’exécutif montre qu’il ne croit pas au projet. Il ne veut même pas débattre. C’est grave.

TB: Oui, cela aurait été judicieux que la municipalité s’engage dans le débat pour défendre le oui car c’est la position exprimée par la majorité du Conseil. Une majorité qui a reconnu les conclusions favorables du rapport de fusion, après quatre ans de travail. Et si nous avons continué dans ce travail, c’est qu’il y avait des avantages pour notre population.

Et la population, justement, fait-elle preuve d’intérêt à jour J-3 mois?

TB: On m’aborde systématiquement sur ce sujet. Le débat débute maintenant.

GV: Avec une participation de 3,9% au sondage, nous ne pouvons pas conclure que la votation est très attendue.

TB: S’il n’y a pas eu beaucoup d’intérêt, c’est peut-être parce que tous trouvent cette décision normale. Nous sommes déjà de facto dans un même espace socio-économique. Notre population travaille, sort à Monthey et Monthey achète ici. Les institutions doivent suivre ce que fait la population. Or pour elle, il n’y a plus de frontière.

GV: Mais cette votation n’est pas venue d’un souhait populaire. Il aurait fallu un vote consultatif au préalable. Quand ce sera le bon moment, nous fusionnerons.

Faudra-t-il arriver à une fusion par nécessité pour Collombey-Muraz?

GV: Nous sommes loin d’en arriver là et l’ensemble de la région va aussi évoluer. Nous avons un potentiel économique fort et le citoyen de Collombey-Muraz n’a rien véritablement à gagner en cas de fusion.

TB: Une fusion par nécessité est horrible. Je préfère le faire maintenant et avoir une vision globale de notre territoire. Nous sommes fiancés depuis dix ans, c’est le moment de passer le cap.

GV: Ne confondons pas vitesse et précipitation. Il y a encore de trop nombreuses inconnues. Je ne voterai pas oui à un chèque en blanc.

FIN